Jusqu’à présent, l’immersion volontaire d’épaves n’est pas autorisée en Méditerranée française. Même si leur intérêt écologique, de par leur rôle de récifs artificiels, est admis par tous, leur immersion se heurte à un certain nombre d’obstacles juridiques, notamment liés à des traités internationaux et particulièrement à la Convention de Barcelone. La situation peut-elle évoluer ?
Plusieurs conventions internationales entrent en ligne de compte dans le domaine des immersions de navire, mais c’est la Convention de Barcelone, traité de protection des eaux Méditerranéennes, qui s’avère être l’obstacle majeur. Son texte est clair : depuis 2002, il interdit toute immersion volontaire de navire. Et c’est actuellement, chez nous, la position officielle des services de l’état, lesquels admettent bien que les épaves maritimes représentent un intérêt sur le plan biologique mais estiment que leur immersion n’est pas possible en Méditerranée. Pourtant, certains pays, comme par exemple l’Espagne ou Malte, considèrent dores et déjà que leur installation, dans le but d’en faire des récifs artificiels, n’entre pas dans le cadre de la convention.
Lire la Convention de Barcelone autrement
L’esprit de la convention était légitimement d’éviter l’immersion des navires pour s’en débarrasser à moindre frais. L’État a toujours eu une lecture stricte de la Convention de Barcelone interdisant en effet “tout sabordage en mer de navires et aéronefs”, quand bien même il s’agirait d’une immersion en tant que récif artificiel et nettoyé de ses polluants. Mais, contrairement à un sabordage qui sert avant tout l’intérêt de l’armateur, une épave récif sert ce que l’on peut appeler l’intérêt général, et ce dans plusieurs domaines. Les épaves immergées sont à la fois des oasis de vie, des nurseries, bénéfiques à la biodiversité comme n’importe quel autre récif artificiel, dont la mise en place est, elle, bien autorisée dans nos eaux. Leur présence permet aussi à la pêche locale de maintenir sa ressource. Elles sont également un atout majeur pour l’économie de loisir du fait qu’elles offrent la possibilité de multiplier les spots de plongée et d’attirer ainsi davantage de touristes plongeurs sans pour autant surcharger les sites existants. D’autant que la plupart de nos épaves actuelles, datant des deux dernières guerres, se dégradent doucement et perdent peu à peu de leur intérêt, qu’il soit visuel ou écologique.
Un cadre juridique national néanmoins rigoureux
Restera néanmoins un cadre légal contraignant à respecter pour éviter toute dérive, notamment bien sûr en ce qui concerne la dépollution des navires. “La procédure à mettre en place, rappelle Julien Belda, dépend de nombreux codes, parmi lesquels le code des transports, le code général des collectivités territoriales, le code general de la propriété des personnes publiques, le code de l’environnement, le code de l’urbanisme, le code rural et de la pêche, le code du patrimoine…” Il faudra aussi parvenir à établir un lien entre toutes les instances concernées, qui sont extrêmement nombreuses. L’État et notamment la DDTM sera l’interlocuteur privilégié, à même de suivre chaque dossier d’immersion d’un bout à l’autre. “Il reviendra ainsi au porteur de projet, conclut-il, soutenu par les élus locaux, les pêcheurs… de convaincre les services de l’État en amont puis, au terme de procédures relativement longues et solidement encadrées, de l’opportunité d’autoriser une telle immersion qu’il faudra concevoir sous l’ensemble de ces facettes, de la dépollution du navire à la remise en état ou non du domaine public, en passant par la compatibilité avec les documents d’urbanisme, la sécurité de la navigation, les moyens de surveillance…”
Le stationnement au fond de la mer par le “navire récif” pourrait être autorisé par le biais de la “concession d’occupation du domaine public maritime en dehors des ports”. Une autorisation qui s’appuie nécessairement sur une compatibilité avec l’intérêt général et qui correspond bien à la finalité de ce type d’immersion. “Viendraient concomitamment, bien sûr, précise Julien Belda, des études d’impact, une évaluation environnementale,
une enquête publique, des modalités d’exploitation du navire récif à définir, l’évaluation de son impact écologique et économique, tout en pregnant en compte les conflits d’usage potentiels, les questions de la sécurité, le sort du navire récif au terme de l’autorisation…” La route serait longue mais permettrait certainement de mettre en place des projets ambitieux qui profiteraient aussi bien aux plongeurs qu’à l’économie locale et au maintien de la biodiversité dans les zones concernées.
Isabelle Croizeau
POUR EN SAVOIR PLUS
* Julien Belda, Belda Consultant, ICO Solutions, Agence de l’eau Rhône-Méditerranée-Corse, 2022, Aspects juridiques de l’immersion des navires dans le but de favoriser l’économie bleue du littoral, la restauration écologique et la création de nouveaux spots de plongée en Méditerranée. Téléchargeable sur : www.belda-consultant.com
Découvrez un résumé de cette étude
POURQUOI RÉALISER UNE ÉTUDE JURIDIQUE SUR L’IMMERSION DES NAVIRES POUR EN FAIRE DES RÉCIFS ARTIFICIELS OU DES SPOT DE PLONGÉES ? |
Alors qu’un grand nombre d’épaves gisent au fond de la mer sont un lieu de fixation de la vie et font le bonheur des plongeurs, poissons, crustacés, gorgones et pêcheurs, depuis près de 20 ans (le 31 décembre 2002), les services de l’Etat français n’autorisent plus les opérations d’immersions sur le fondement notamment de la convention de Barcelone sur la protection du milieu marin et du littoral de la Méditerranée.
Véritable oasis de vie, nurseries bénéfiques à la biodiversité, spot de plongée permettant de désengorger les sites naturels, la plupart des épaves, datant des deux dernières guerres, se sont dégradées au fil du temps et ont perdu de leur attrait écologique car elles ne peuvent plus abriter la faune mais également de leur intérêt touristique.
Au niveau économique, il convient de souligner que la plongée est un secteur économique qui génère en Europe un revenu de 1,4 milliard d’euros, pour 3,5 millions de plongeurs, dont 75 % choisissent la Méditerranée comme destination plongée ».
Pour illustrer, rien que sur le département du Var, une étude récente de la CCI d’Aix Marseille indique que la plongée représente 155 structures, 50 entreprises, 57 associations, 200 emplois à l’année et des retombées dans l’hôtellerie et la restauration à hauteur de 16 millions d’€ de chiffre d’affaires.
À Chypre, l’épave du ferry suédois Zenobia représente à lui seul : 57 000 plongées par an et un revenu global annuel estimé à 25 millions d’euros
La position des services de l’État jusqu’à ce a été d’admettre que les épaves maritimes représentent un intérêt sur le plan biologique mais que leur immersion n’est pas possible en Méditerranée notamment au regard de la Convention de Barcelone.
Riche de toutes ces vertus économiques et environnementales, il y a manifestement un réel intérêt (général) à faire avancer le sujet de l’immersion des navires récifs et à faire sauter les « verrous juridiques » qui en empêchent la réalisation.
Il nous parait qu’il existe 2 grandes catégories de verrous juridiques à ces projets d’immersions de navire pour en faire des récifs artificiels en France :
I- un verrou de « droit international » et relève de l’interprétation de la convention de Barcelone II- un verrou de « droit national » qui relève principalement du statut du navire, de la gestion des espaces maritimes et de la domanialité publique maritime naturelle.
L’objectif de notre analyse est de faire sauter ces verrous afin de réengager la France dans la mise en œuvre d’une politique officielle d’immersion de “navires récifs” en Méditerranée pour des opérations d’ « intérêt général ».
I- ARGUMENTAIRE ET ÉLÉMENTS PERMETTANT DE FAIRE SAUTER LE VERROU DE DROIT INTERNATIONAL QU’EST L’INTERPRÉTATION PAR L’ÉTAT FRANÇAIS DE LA CONVENTION DE BARCELONE
A) Aberrations et points de blocage de la convention de Barcelone
Si paradoxalement la convention de Barcelone autorise, sous certaines conditions, l’immersion « de déchets volumineux », de produits nocifs (arsenic, plomb, chrome, nickel, cyanure, cadmium, pesticides… et autres joyeusetés radioactives), ellei nterdit purement et simplement « tout sabordage en mer de navires et aéronefs » en Méditerranée et ce, sans faire aucune distinction sur les éventuels composants de l’épave ou de son état partiel ou total de dépollution.
Quelle que soit la finalité ou l’objectif poursuivi par l’immersion du navire, les services de l’État ont sans doute fait une stricte application du principe « Il est interdit de distinguer là où la loi ne distingue pas » (ou comme disait les anciens : « Ubi lex non distinguit nec nos distinguere debemus ») tout en admettant officiellement que les épaves maritimes « représentent un intérêt sur le plan biologique » .
B) Étude théorique de la convention de Barcelone
Comment s’affranchir de la convention de Barcelone et immerger des navires pour en faire des « récifs artificiels » dans le cadre d’opération d’intérêt général ?
L’immersion d’un « navire-récif », qui n’est plus un « navire » et n’est nullement un « déchet » aura au sens de la convention le statut d’un « autre ouvrage » immergé à des fins environnementales et économiques. Par « autre ouvrage », il faut entendre « récif artificiel » dont la notion n’est jamais abordée.
En bref, l’astuce juridique serait de traiter ses immersions non pas comme des « navires » ou des « épaves » mais comme des « récifs artificiels ».
Pourquoi ?
Tout d’abord par ce que c’est justement ce que font les autres pays signataires de la convention de Barcelone :
« It was sunk in 2013 in order to create an artificial reef with the aim of encouraging the increase of marine life to the area » (Ndlr – Traduction : Il fut coulé en 2013 pour créer un récif artificiel dans l’objectif d’augmenter la vie marine dans la zone »).
et puis parce que : si l’immersion des « navires », « déchets ou autre » est interdite (à l’article 4), les « plates formes » ou « autre ouvrage » (article 4, 2d) sont des exceptions à cette interdiction « sous réserve » pour ces derniers :
1- d’être immergés à des fins autres que leur simple élimination
2- sous réserve qu’un tel dépôt ne soit pas incompatible avec l’objet du présent protocole
En résumé
1) l’immersion d’un « navire récif » dans l’objectif de créer un « récif artificiel » ne constitue pas une « immersion de navire » « au sens » de la convention de Barcelone mais relève de la catégorie des « autres ouvrages placés en mer » dont l’immersion est autorisée.
2) une telle immersion n’est pas en soi interdite à la double condition que le dépôt soit réalisé à des fins autres que sa simple élimination, ne pas être polluant et ne pas produire de déchets flottants et que le dépôt ne soit pas incompatible avec l’objet de la convention
C) Au niveau pratique : ce qu’il se passe dans d’autres pays signataires de la convention de Barcelone
De très rapides recherches, absolument non exhaustives (à cause du barrage de la langue notamment…), ont permis de découvrir que d’autres pays signataires de la convention de Barcelone tels que Malte, Chypre (les 2 « côtés » de l’île), la Croatie, le Liban… avaient depuis le 31 décembre 2002, date de l’entrée en vigueur de l’interdiction d’immerger des navires, réalisé à eux seuls plus d’une bonne vingtaine d’immersions (le Liban immerge aussi des chars d’assaut, des rames de train, des navires, des avions récifs). Cette pratique prouve que l’interdiction d’immerger des navires par la convention de Barcelone est bien loin d’être absolue…
En effet, ces immersions ont été réalisées sans pour autant, à notre connaissance, avoir fait l’objet de remontrances de la part du « Comité de respect des obligations » en charge de veiller à la bonne exécution de la convention. Par ailleurs, la presse chypriote indique que certaines d’entre-elles ont même carrément bénéficiées de cofinancements par l’Europe, le département des pêches européennes et le gouvernement au regard de leurs impacts positifs sur l’environnement et l’économie locale4.
La convention de Barcelone doit s’appliquer de manière identique dans tous les pays signataires et la France ne saurait avoir moins de droit que les autres états signataires. Ce faisant, elle ne saurait se voir opposer de la part du « comité de respect des obligation » aucune remontrance quant à une éventuelle immersion de navire parfaitement dépollué aux fins de réaliser un récif artificiel dans l’objectif d’encourager la vie marine et/ou l’économie locale
Dans cette logique juridique et au constat des nombreux précédents réalisés dans les autres pays, il nous parait que le premier verrou juridique issu de la convention de Barcelone doit sauter.
Pour autant, si les États signataires peuvent parfaitement composer avec la convention de Barcelone, chaque pays reste ensuite souverainement libre de permettre ou non l’immersion de « navires récifs » en fonction de son « propre droit national » et de sa politique. Il est maintenant nécessaire d’étudier et de confirmer la compatibilité de tels projets au regard de « notre droit nationale » et des outils juridiques actuellement en vigueur afin de faire sauter le 2ème verrou.
II- LE VERROU DE DROIT NATIONAL : LE STATUT DU NAVIRE (A) ET LA GESTION DES ESPACES MARITIMES (B) ET DE LA DOMANIALITÉ PUBLIQUE MARITIME NATURELLE (C).
A) La notion de navire
La notion ou le statut même de « navire » paraît un des points de blocage les plus très importants. La tendance voire la position des services de l’État (cf. supra) serait de considérer que le statut de navire est immuable et que, de ce fait, il ne pourrait aucunement passer du statut de « récif artificiel » ou de « navire récif ». Or, il convient de souligner que, bien au contraire, la qualification de navire n’est nullement « immuable » mais tout à fait mouvante !
La preuve : un navire a forcément vocation à finir en « épave maritime » ou en « déchet ». Juridiquement, une « épave maritime » ne dispose absolument pas du même statut juridique que le « navire » (ainsi le propriétaire de l’épave ne peut plus se prévaloir de la limitation de responsabilité accordée aux navires). C’est également le cas de la notion de déchet qui est statut juridique encore différent. A cet égard, un des fleurons de la flotte française, le porte avion Clemenceau, nommé en fin de vie, coque « Q790 », a vu son exportation dans l’objectif d’être déconstruit en Inde refusée par le Conseil d’État, la plus haute juridiction administrative de France, parce que les juges ont considéré cette coque comme un « déchet » (et non un navire et ni même une épave) et qu’une telle exportation n’était pas légale au regard de la convention de Bâle dans les conditions initialement prévues.
Si le statut de navire n’est pas immuable et qu’il peut passer au statut d’« épave maritime » ou de « déchet », voire d’un simple meuble décoratif positionné au milieu d’un rond-point de voirie routière, rien n’empêche manifestement qu’il puisse devenir un « récif artificiel » et ce d’autant que la notion de récif artificiel contrairement au navire, à l’épave ou au déchet n’a pas, quant à elle, de définition juridique contraignante.
Le navire est et reste ce qu’il a toujours été en priorité, un « bien meuble » (article 531 du code civil), et deviendrait par sa nouvelle destination, son nouvel usage et au sens de la convention de Barcelone un « « autre ouvrage » (article 42d) dont l’immersion est envisageable dans la mesure où la finalité n’est pas son « élimination » mais de favoriser la restauration écologique et/ou l’activité économique.
« Les structures qui se prêtent le mieux à la construction des récifs sont les navires, qu’il s’agisse d’épaves ou de navires que l’on a délibérément coulés à cet effet »
Page 3 du document « Directives pour l’implantation de récifs artificiels – Convention et Protocole de Londres/PNUE » (2009)
B) Les craintes et les a priori liées à la compatibilité d’un projet d’immersion à la gestion du domaine publique naturel
Le « navire récif » à vocation a reposer sur le fond de la mer et donc sur le domaine public maritime naturel de l’État (article L2111-4 du code général de la propriété des personnes publiques).
Dans ce contexte, quels semblent les principaux « points de blocages » d’une immersion de vont à notre sens avant tout concerner le permis d’immersion (1), l’autorisation d’occupation du domaine public maritime naturel (2), la régulation de l’usage des usages (3) et la question de la remise en état du domaine public au terme de l’occupation (4).
1) Concernant l’autorisation d’immersion d’un navire en mer
Cet outil est prévu dans le code de l’environnement aux article L218-42 et suivants. Pour aller à l’essentiel l’article L218-44 du code de l’environnement dispose :
I.-Par dérogation à l’article L. 218-43, peut être autorisée :
1° L’immersion des déblais de dragage ;
2° L’immersion des navires, par le représentant de l’État en mer, dans le respect des traités et accords internationaux en vigueur.
II.- L’immersion des déblais de dragage est soumise aux dispositions des articles L. 214-1 à L. 214-4 et L. 214-10.
III.-Les permis d’immersion régulièrement délivrés avant la publication de l’ordonnance n° 2005-805 du 18 juillet 2005 sont maintenus jusqu’à leur expiration sans pouvoir excéder une durée de dix ans
2) Concernant le titre d’occupation pour le stationnement du récif
La « concession d’utilisation du domaine public maritime en dehors des ports » Articles R2124-1 à R2124-12 du CG3P apparait manifestement de par sa polyvalence et ses garantie procédurales comme étant l’outil juridique le plus adapté au stationnement du « navire récif ».
Cette modalité d’autorisation du domaine public maritime naturel permet diverses formes de travaux, usages et occupation sous réserve d’une affectation :
– à l’usage public ou d’un service public
– ou à une opération d’intérêt général.
La restauration écologique et l’absence de produit nocif, la valeur patrimoniale, culturelle ou historique du navire ainsi que l’animation touristique et les formidables retombées économiques induites sont indubitablement en mesure de qualifier la notion d’ « intérêt général » nécessaire à l’obtention d’une telle autorisation délivrée par les services de l’État.
3) La régulation des baignades et des activités autour du « navire récif »
– Quid de la responsabilité du maire ?
A ce sujet, il convient de préciser que la police du maire ne concerne que les « baignades » et les « activités nautiques pratiquées à partir du rivage avec des engins de plage et des engins non immatriculés » jusqu’à une limite fixée à 300 mètres à compter de la limite des eaux. Au-delà, de ces secteurs d’activités précisément et « au-delà de la zone des 300 mètres » sa responsabilité ne pourra pas être engagée. Étant par ailleurs précisé que « Hors des zones et des périodes ainsi définies, les baignades et activités nautiques sont pratiquées aux risques et périls des intéressés. » (L.2213-23 du code général des collectivités territoriales).
– Quid de la régulation des activités autour du « navire récif » ?
La régulation des activités qui vont évoluer autour du « navire récif » relève du préfet maritime et ce notamment dans le cadre de l’article L5242-2 du code des transports.
Le lecteur pourra trouver, pour illustration, 2 arrêtés préfectoraux (du 11 janvier 2007 et du 11mars 2016 de la Préfecture Maritime de la Manche et de la Mer du Nord « portant réglementation de la pratique de la plongée sous-marine sur l’épave du navire « Léopoldville », une épave déclarée bien culturel maritime.
– Quid de la remise en état du domaine public maritime naturel au terme de l’autorisation ?
Dans le cadre du droit de la domanialité publique, il existe un principe fort dit de « remise en état » du domaine public par l’occupant au terme de son occupation ou de son utilisation. Une telle obligation pourrait sembler faire obstacle à l’immersion d’un « navire récif » dans la mesure où au terme de son autorisation, il pourrait exister de sérieuses difficultés à remettre le domaine public maritime en état. A ce sujet, il convient de souligner que contrairement à une idée assez largement répandue, principe de la remise en état du domaine public, n’est pas un principe intangible pour la loi.
Extrait de l’article L2122-9 du code général de la propriété des personnes publiques À l’issue du titre d’occupation, les ouvrages, constructions et installations de caractère immobilier existant sur la dépendance domaniale occupée doivent être démolis soit par le titulaire de l’autorisation, soit à ses frais, à moins que leur maintien en l’état n’ait été prévu expressément par le titre d’occupation ou que l’autorité compétente ne renonce en tout ou partie à leur démolition. Les ouvrages, constructions et installations de caractère immobilier dont le maintien à l’issue du titre d’occupation a été accepté deviennent de plein droit et et gratuitement la propriété de l’État, francs et quittes de tous privilèges et hypothèques. …
Par ailleurs le titre d’occupation devra prévoir des clauses et garanties financière permettant de s’assurer que la remise en état sera toujours possible.
Il résulte de ce qui précède qu’à l’issue du titre d’occupation du domaine public maritime, l’État peut parfaitement, après avoir dûment pris en compte tous les coûts socio-économiques et environnementaux (par exemple, impacts ou altérations indésirables suite au retrait du « navire récif »), considérer que le retrait pourrait porter atteinte à d’autres intérêts publics (ex. dégradation environnementale) et accepter ou demander l’absence de remise en état du site.
À noter que nous pensons que les opérations de remises en état pourraient être, voire devrait être, considérées comme des « travaux » dans le milieu marin. Ce faisant ces derniers doivent, en tant que telles l’objet, faire l’objet d’une étude d’impact. Ce point nous paraît tout particulièrement important. En effet, cette nouvelle étude d’impact ne devrait pas être regardée comme une énième formalité mais plutôt comme une approche scientifique permettant d’évaluer la pertinence du maintien du « navire récif » ou de la remise en état du domaine public.
Au-delà de toute position dogmatique, si à l’issue de l’autorisation d’occupation du domaine public maritime par le « navire récif » et au terme de l’étude d’impact, il peut être démontré « un bénéfice net positif » pour l’environnement (notamment avec une concentration de faune et de flore), la culture (le patrimoine) ou l’économie. Les services de l’État pourront, avec l’assentiment du Préfet maritime et du commandant de zone, décider du maintien du « navire-récif » sur son lieu de stationnement.
CONCLUSION
Nous avons pris le parti de ne traiter que ce que nous estimions être les « principaux points de blocage » car c’est à notre sens ici même que meurent prématurément et à tort les projets d’initiatives d’immersions de « navire récifs » en Méditerranée française.
La question de l’immersion d’un « navire récif » implique bien d’autres complexités que ce soit en terme de procédures environnementales, de planification voire d’urbanisme, … toutefois ces dernières nous semblent en revanche parfaitement maitrisées par les services de l’État.
La démonstration de nombreuses et récentes immersions de navires réalisés dans les pays signataires de la convention de Barcelone d’une part et la démonstration de l’absence d’incompatibilité de ces projets d’immersion avec le droit français d’autre part permettra, nous l’espérons, de convaincre les services de l’État français de la faisabilité de l’immersion de « navires récifs » et en définitive, mieux encore, l’amorçage d’une véritable politique ou stratégie officielle d’immersion dans un objectif d’intérêt général.
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