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Méditerranée : 10 espèces à protéger

Corail rouge

Corail rouge dans la réserve de Scandola en Corse. © Nicolas Barraqué

La Méditerranée abrite des milliers de formes de vie, dont un certain nombre menacées. Voici une sélection de 10 espèces, parmi les plus emblématiques de la grande bleue, qui nécessitent des mesures de protection pour leur préservation. Impossible de toutes les mentionner, c’est la raison pour laquelle les cétacés, sur lesquels pèsent également de nombreux dangers, ne sont pas mentionnés.

1- Le mérou brun

Autre espèce symbole à ranger au côté de la posidonie : le mérou. Plus précisément le mérou brun, plus gros poisson sédentaire de notre Méditerranée. Jusqu’à 1,40 m de long, pour une taille très modeste de 2 cm à la naissance ! Avec sa tête massive, ses yeux proéminents et ses grosses lèvres, le reconnaître est facile. Mais en dehors des réserves (dont celle de Port-Cros), l’admirer de près l’est nettement moins car l’animal, bien que curieux, garde ses distances. Un atavisme qui résulte d’une forte pression exercée par la chasse sous-marine. En effet, avant d’être interdite, sa pratique a causé des ravages au point de faire du mérou une espèce en danger d’extinction. Heureusement, en France, les moratoires successifs concernant sa pêche (reconduits tous les cinq ans) lui ont profité. Les campagnes régulières de comptage le démontrent : une population adulte est bien présente. De petits individus sont aussi régulièrement observés. Un point positif puisque ce perciforme est un hermaphrodite protogyne. C’est-à-dire un poisson femelle au début de sa vie devenant mâle avec l’âge.
Protégé depuis : 1988 en Corse et 1993 sur la côte continentale, par moratoire (arrêté préfectoral).
Statut de conservation : présent dans les zones protégées de la prédation humaine. En dehors, de jeunes mérous s’observent à nouveau depuis les années 90 mais l’espèce, menacée par le braconnage, reste discrète.

En France, l’interdiction de sa pêche a sauvé le mérou brun.

 

2- La grande cigale de mer

Les habitudes de la grande cigale de mer, cousine de la langouste, restent encore peu connues. Animal au corps trapu et à la carapace rugueuse tirant sur le rougeâtre, elle affectionne les habitats rocheux. À condition qu’ils regorgent d’anfractuosités où se dis- simuler. Depuis sa planque, elle part à la recherche de ses proies de prédilection qui prennent la forme de petits invertébrés. Une chasse avant tout nocturne. En journée, la dame passe le temps de préférence la tête en bas, c’est-à-dire accrochée sous un surplomb ou sous le plafond d’une cavité. Ciblé pour sa chair délicate, ce crustacé, sans défense, si ce n’est sa discrétion, a fait l’objet d’une pêche intensive qui a failli conduire à sa disparition dans nos eaux continentales (la zone Corse faisant exception). Après un quart de siècle de protection, un (léger) retour de sa population est observé.
Protégée depuis : fin 1992 par arrêté ministériel.
Statut de conservation : espèce toujours menacée (braconnage) et rarement observée.

Pas facile de tomber sur une grande cigale de mer quand on plonge en Méditerranée… © Nicolas Barraqué

3- Le corb

C’est le petit dernier de la bande puisque sa protection date de 2014 à peine. Le corb, comme ses cousins, le maigre et l’ombrine, adopte une forme ovale ramassée. Ce poisson appartient aux Sciaenidés, du grec scia ou ombre. Mais on ne sait pas si nos ancêtres le nommaient ainsi en raison de sa préférence pour les endroits obscurs ou de la dominante sombre de sa robe. Il semble que, comme pour le mérou brun, la chasse sous-marine soit à l’origine de sa raréfaction. En tous cas, il est évident qu’à l’image de Epinephelus marginatus, ce beau poisson s’observe assez facilement dans les zones marines protégées. Alors qu’en dehors des réserves, il devient lui aussi nettement plus furtif et discret.
Protégée depuis : janvier 2014 grâce un moratoire s’appliquant à la pêche de loisir et à la chasse sous-marine.
Statut de conservation : espèce vulnérable (braconnage), raréfaction de son observation en dehors des zones de protection.

Banc de corbs sur la Gabinière à Port-Cros. © Nicolas Barraqué

4- Le corail rouge

L’utilisation, notamment en bijouterie, du “sang de Neptune’’ remonte à l’antiquité grecque. À l’instar de la posidonie, la croissance de “l’arbre pierre’’, un autre de ses surnoms, est très lente. En effet, les polypes (de couleur blanche) n’accroissent leur squelette ou tronc (de couleur rouge) que de quelques millimètres par an. Quant au diamètre des branches, son augmentation annuelle ne dépasse par le millimètre. Ainsi, observer à travers la vitre de son masque du corail rouge affichant une taille de quelques cm revient à observer une colonie vieille de plusieurs décennies. Confrontée à une exploitation commerciale de ses stocks, cette ressource patrimoniale nécessite donc d’être protégée afin de pouvoir se régénérer.
Protégée depuis : espèce dont le prélèvement est réglementé (pêche réservée aux professionnels). Sur certaines zones, la profondeur de ce prélèvement l’est aussi (collecte interdite entre 0 et – 50 m).
Statut de conservation : surexploité en raison de sa valeur marchande, le corail rouge de bonne taille (squelette long de 10 cm ou plus) ne se rencontre plus qu’exceptionnellement à moins de 50 m.
(photo principale – © Nicolas Barraqué)

5- La grande nacre

Voilà le plus grand mollusque de Méditerranée, endémique de la grande bleue. Cette sorte de moule géante est un organisme filtrant l’eau de mer pour récupérer sa nourriture (particules vivantes planctoniques ou matières organiques). La grande nacre a vu sa population régresser à cause de deux facteurs, distincts certes, mais résultant, l’un comme l’autre, de la responsabilité de l’homme : le premier repose sur le fait que ce bivalve s’implantant sur les herbiers de posidonie, le net recul de ces derniers a mécaniquement entraîné la fragilisation et la disparition d’un pourcentage conséquent de sa population.
La seconde cause est due à un intense prélèvement humain qui a, en son temps, contribué à la décimation de ce coquillage.
Protégée depuis : 1992 par un arrêté qui interdit sa destruction ou son arrachage.
Statut de conservation : si sa population a considérablement régressé, les efforts de protection entrepris permettent d’observer un (lent) début de recolonisation de ses biotopes.

Le recul de la posidonie et le prélèvement humain sont à l’origine de la décimation de la grande nacre.

6- Le phoque moine

Les plus jeunes pourront être surpris d’apprendre qu’à une époque pas si lointaine (dans les années 40 à 60), des phoques vivaient en Méditerranée française, notamment dans les calanques marseillaises et sur les côtes corses. Exterminé par l’homme (par des pêcheurs notamment, avec lesquels le phoque entrait en compétition, l’animal n’hésitant pas à se servir dans leurs filets), ce carnivore amphibie fait aujourd’hui partie des dix espèces les plus menacées au monde. Un certain optimisme semble néanmoins poindre, malgré un possible problème de consanguinité. En effet, les efforts de protection ont permis un léger accroissement de sa population. Leur observation se fait du côté oriental de la Méditerranée où se sont réfugiés les derniers représentants de l’espèce.
Protégée depuis : 1975, classé en danger critique d’extinction en 1996.
Statut de conservation : en danger, inscrit sur la liste rouge des espèces en voie de disparition.

7- L’oursin diadème

L’origine de son nom scientifique – Centro-stephanus pour couronne d’épines, longispinus pour longues épines – caractérise parfaitement cet oursin. Ainsi, son squelette semble de petite circonférence comparée à la longueur de ses épines. De par leur taille et leur finesse, ses piquants sont extrêmement mobiles (et leur piqûre douloureuse). L’oursin diadème est dit “de Méditerranée” car il possède de proches cousins qui vivent, eux, en conditions tropicales (Caraïbe, mer Rouge…). Cet échinoderme est sciaphile, c’est-à-dire qu’il fuit une trop forte intensité lumineuse. La protection de cette espèce n’est pas la conséquence d’une pêche intensive mais est due au fait qu’elle est peu représentée dans les eaux méditerranéennes.
Protégée depuis : novembre 1992, par arrêté valable sur l’ensemble du territoire national.
Statut de conservation : espèce rare et protégée en raison de son faible taux de reproduction.

L’oursin diadème est notamment présent dans les cavités et fentes rocheuses.

8- La raie mobula

Un dos sombre, un ventre blanc, deux cornes céphaliques de chaque côté de la tête et une longue queue… Pour un regard non averti, confondre le diable de mer méditerranéen (surnom de la raie mobula) avec la célèbre raie manta est compréhensible. D’autant plus que l’espèce de Méditerranée, la plus grande du genre, peut atteindre une envergure de 5 mètres. Mais cette confusion n’est pas possible puisque la gracieuse manta ne patrouille pas (pour l’instant ?) dans la grande bleue, trouvant a priori l’eau trop froide à son goût. Si la raie mobula de Méditerranée est menacée, c’est en raison de sa rareté. En effet, cette espèce pélagique a un faible taux de reproduction, les portées de nouveaux-nés étant limitées.
Protégée depuis : 2011 (date de l’entrée en vigueur de l’annexe de la convention de Barcelone, amendée en 2009).
Statut de conservation : en danger (inscrite sur la liste rouge des espèces menacées).

9- La posidonie

Et non ! Contrairement aux apparences, la posidonie n’est pas une algue. Posidonia oceanica est en fait une plante à fleurs… apparentée à l’iris. Son rôle est vital en Méditerranée car la posidonie remplit plu- sieurs fonctions. De nurserie tout d’abord, en dissimulant œufs et larves au cœur de sa chevelure. De protection et d’alimentation ensuite, car un grand nombre de poissons juvéniles et d’invertébrés s’abritent et gran- dissent sous ses longues feuilles vertes. Enfin, elle occupe différentes fonctions écologiques : fixation des fonds, production d’oxygène, filtrage de l’eau et protection du littoral (barrage à la houle et à l’érosion). Les herbiers de posidonies représentent donc de véritables oasis de vie. Si leur étendue est en recul, la responsabilité en incombe à l’homme. L’urbanisation du littoral, le rejet d’eaux usées turbides (privant la posidonie de la lumière dont elle a besoin) et, dans une moindre mesure, l’ancrage des navires, sont les grands coupables de sa destruction. En raison de sa très lente repousse (un mètre par siècle), le seul remède pour la reconstituer passe par la transplantation.
Protégée depuis : 1988 par arrêté́ ministériel.
Statut de conservation : en recul, la surface totale des herbiers diminuant par pollution et/ou urbanisation.

Floraison de posidonies.

10- Les tortues

Chez les membres de la famille des chéloniidés (à laquelle appartiennent les tortues vertes et caouannes), la carapace tire sa solidité de son ossification (plaques cornées). Dans le cas de la tortue luth, la résistance de la carapace provient non pas de la présence de ses écailles mais de l’épaisseur de sa peau (cuir). Quelle que soit sa nature, leur carapace ne protège en rien ces trois espèces évoluant en Méditerranée, elles sont toutes menacées. Les causes sont maintenant bien connues (et ne sont d’ailleurs pas spécifiques à la grande bleue). Tout d’abord, leurs sites de ponte sont menacés par l’urbanisation du rivage, en particulier pour la tortue verte, connue pour venir pondre sur les plages italiennes, corses, grecques et turques. Ensuite, leur mode de vie migratoire les rend susceptibles d’être capturées par un engin de pêche quelconque (filet, palangre). Enfin, l’ingestion de plastique facilement confondu avec la méduse – une de ses proies – conduit à la mort de l’animal par occlusion intestinale…
Protégée depuis : 1979 (tortue verte), 1991 (tortue caouanne) et 2008 (tortue luth).
Statut de conservation : inscrites sur la liste rouge des reptiles de France métropolitaine.

 

Cet article est extrait du hors-série spécial Méditerranée paru en 2018.

 

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