Unique au monde, ce récif corallien officiellement annoncé en 2016 a été photographié et filmé grâce à deux petits sous-marins le 30 janvier dernier, au large du Brésil. À bord de l’Esperanza, 39 scientifiques membres de l’ONG Greenpeace ont rapporté les premières images de ce récif qui s’étendrait sur 9 500 km², à l’endroit même où le fleuve Amazone et l’océan Atlantique se rencontrent.
Un site d’une grande diversité
Longtemps passé inaperçu, ce récif est caché dans une eau saumâtre chargée de sédiments transportés par le puissant fleuve Amazone à 200 km au large de l’embouchure. Mais depuis 40 ans, des scientifiques soupçonnaient son existence : “la présence de poissons récifaux, qui vivent dans des habitats coralliens, avait été observée dans cette zone“, explique Edina Ifticene, chargée de la campagne Océans de Greenpeace. En 2010, une équipe de chercheurs américains et brésiliens est partie cartographier les fonds autour de la zone de présence supposée. Et la découverte a été stupéfiante, l’équipe a démontré l’existence d’un récif de 1 000 km de long situé entre 30 et 120 mètres de profondeur, entre la Guyane française et le Brésil. Des séries de campagnes de prélèvements ont suivi entre 2010 et 2014 : il y a bien des coraux, des éponges (une soixantaine d’espèces), des algues calcifiées (les rhodolithes) et des poissons (70 espèces environ) présents dans ces eaux boueuses. Ces résultats n’ont été révélés qu’en avril 2016 dans la revue Science advances.
Avec les images récoltées par Greenpeace, des espèces d’une toute petite zone ont d’ores et déjà pu être identifiées : des éponges barils, du corail mou, des crustacés, de nombreux poissons dont 2 nouvelles espèces de poissons papillons et même une raie manta !
De nombreux mystères…
Mais comment des coraux, qui ont un besoin vital de lumière, peuvent-ils se développer dans un tel milieu ? « Le récif se situe dans une zone dans laquelle les coraux ne sont pas censés se développer », rappelle Ronaldo Francini Filho, chercheur à l’Université de Paraiba au Brésil.
Selon une hypothèse, « leur présence au milieu de ces eaux saumâtres pourrait s’expliquer par une symbiose avec des bactéries qui se reproduisent grâce à la chimiosynthèse. » Ce processus permet, même sans lumière, la production de matière organique à partir du dioxyde de carbone et d’autres matières minérales présentes dans l’eau. “En étudiant comment ce récif se développe dans des conditions extrêmes, nous pourrions comprendre comment les coraux en situation de stress peuvent s’adapter, par exemple en cas de changement de température de l’océan, de variation de la salinité ou de l’acidité de l’eau“, avance Edina Ifticene.
…à protéger
Ces coraux encore méconnus sont toutefois loin d’être préservés de toute menace. En effet, le gouvernement brésilien a ouvert cette région aux explorations pétrolières. Les réserves pétrolières de la région sont estimées entre 10 et 20 milliards de barils (1 baril équivaut à 159 litres). Le site le plus proche pour un gisement pétrolier pourrait se trouver “à moins de huit kilomètres” du récif selon Greenpeace. C’est pour cela qu’il faut tenter de le protéger. Tous ces puits potentiels « présentent des risques de marée noire, accrus par les forts courants dans cette zone de l’océan », alerte Edina Ifticene. “Une fuite de pétrole serait catastrophique pour le récif, mais aussi pour la mangrove de l’embouchure de l’Amazone, presque impossible à nettoyer.”
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