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Malapascua, bien plus que l’île des requins-renards

Il y a 3 ans

L’île paradisiaque a acquis une renommée mondiale grâce à la présence des requins-renards, et le site de Monad Shoal est sans doute devenu, désormais, le plus célèbre des Philippines. Mais le monde sous-marin de Malapascua ne se limite pas pour autant aux grands squales, loin de là ! On y croise des espèces rares et étonnantes, dans des paysages sous-marins uniques. 

Les origines exactes du nom, Malapascua, restent incertaines. La théorie veut qu’il signifie « mauvaise Pâque », accordé par les marins espagnols qui ont découvert cette île à Pâques, lors d’une tempête, alors que leurs approvisionnements s’épuisaient et devaient les rendre particulièrement « grincheux » ! Pour atteindre l’île, située au large de la pointe nord de Cebu, vous devrez effectuer un vol jusqu’à l’aéroport international de Mactan-Cebu, vous faire conduire en jeepney, taxi ou bus pendant trois à quatre heures jusqu’au petit port de Maya et, enfin, naviguer un court trajet à bord d’un banka (bateau traditionnel à balanciers). Il n’y a pas de voitures à Malapascua et l’île est bordée de plages de sable blanc. Il y a beaucoup à admirer, à la fois au-dessus et en dessous de la surface, et certaines personnes finissent par ne jamais vouloir repartir.

Une vue aérienne de Malapascua, une île que certains visiteurs ne veulent jamais quitter. © Matt Reed

Une vue aérienne de Malapascua, une île que certains visiteurs ne veulent jamais quitter. © Matt Reed

Monad Shoal, le repaire des renards

La plongée emblématique de Malapascua, Monad Shoal, se trouve à environ 30 ou 40 minutes au sud-est de l’île. Le site a été découvert par des pêcheurs qui y pratiquaient souvent de la pêche à la dynamite. La légende raconte qu’il y avait tellement de requins, d’espèces diverses, que les pêcheurs devaient lancer deux charges car les poissons morts de la première explosion étaient tous mangés par des requins. Au début des années 90, des plongeurs ont eu vent de ce “sec” sous-marin infesté de requins et sont allés l’explorer. Ils y ont trouvé des requins-renards et ont remarqué que le meilleur moment pour les observer était l’aube, lorsque les squales remontent des profondeurs pour  venir se positionner sur les stations de nettoyage. La plongée avec le requin-renard était née et le mot s’est rapidement répandu.

Des trois espèces de requins-renards, le pélagique, avec une jolie teinte bleutée, est celui que l'on rencontre ici. © Henley Spiers et Jade Hoksbergen

Des trois espèces de requins-renards, le pélagique, avec une jolie teinte bleutée, est celui que l’on rencontre ici. © Henley Spiers et Jade Hoksbergen

Vouloir plonger avec le requin-renard, c’est avant tout accepter de devoir se lever affreusement tôt, avec une forte envie de retourner se coucher. Mais, une fois cette sensation mise de côté, comment ne pas retrouver un sourire jusqu’aux oreilles en réalisant qu’il n’y a pas meilleure façon de commencer sa journée ! Les requins-renards ont pour habitude de visiter les stations de nettoyage au lever du soleil : est-ce parce que les poissons nettoyeurs ont alors le ventre vide et qu’ils sont ainsi davantage motivés pour débarrasser les squales de leurs parasites?

Faire preuve de patience

La plongée avec les renards est un exercice de patience car rien n’est jamais vraiment garanti, même si, sur ce spot-là,  les chances d’en voir soient particulièrement importantes. Et il ne faut souvent que quelques secondes pour que votre plongée, qui s’annonçait décevante, se transforme instantanément en un moment inoubliable. Rien ne sert donc de s’impatienter en maugréant intérieurement, il suffit de garder l’esprit positif pendant que s’égrène lentement le temps d’immersion. La vue de ces animaux  élégants, surgissant furtivement des ténèbres, leurs longues queues caractéristiques balayant tranquillement l’eau ne manquera pas de vous émerveiller. Pourvus d’une gueule aussi petite que leurs yeux sont grands, ils utilisent leur longue queue pour étourdir les petits poissons et en faire leurs repas quotidiens. Un programme de recherche mené sur l’île de Pescador, ainsi qu’à Cebu, a permis de confirmer que les renards utilisent effectivement leur queue comme arme de chasse. Ceci étant, le site de Monad Shoal n’a jamais été officiellement répertorié comme un spot de chasse pour les requins-renards, mais plutôt comme un lieu de nettoyage.

Il existe trois espèces de requins-renards : le commun (Alopias vulpinus), le pélagique (Alopias pelagicus) et celui dit “à gros yeux” (Alopias superciliosus ou A. profondus). C’est le pélagique, d’une jolie teinte bleutée, que l’on rencontre fréquemment ici et, bien qu’il soit le plus petit des trois espèces, il mesure tout de même 3 mètres de long, queue incluse. Requin timide et solitaire, le renard passe la plupart de son temps à chasser en eaux profondes, bien au-delà des limites accessibles en plongée loisir, bien qu’il franchisse parfois la surface avec un saut acrobatique – une raison de garder l’appareil photo à portée de main pendant les intervalles de surface. Monad Shoal est connue comme le meilleur endroit au monde pour voir de manière fiable ce requin insaisissable, et donc un lieu incontournable pour tous les adorateurs de requins sérieux !

À Malapascua plongez de nuit avec la pieuvre à anneaux bleus. © Henley Spiers et Jade Hoksbergen

À Malapascua plongez également de nuit avec la pieuvre à anneaux bleus. © Henley Spiers et Jade Hoksbergen

Le tunnel de l’île de Gato

Parmi les plongeurs, circule le dicton suivant : « On vient à Malapascua pour Monad, on reste pour Gato ». A environ une heure de navigation au nord-ouest de Malapascua, se trouve l’île de Gato (chat, en espagnol). Elle tiendrait son nom d’une paroi rocheuse qui ressemble à un félin mais, si vous ne parvenez pas à repérer cette particularité, vous ne serez certes pas le seul !

Les requins de récifs sont des résidents de l'île de Gato et l'ouverture du tunnel est leur lieu de patrouille. © Henley Spiers et Jade Hoksbergen

Les requins de récifs sont des résidents de l’île de Gato et l’ouverture du tunnel est leur lieu de patrouille. © Henley Spiers et Jade Hoksbergen

Cavern est la plongée emblématique de Gato, qui consiste à explorer un tunnel sous-marin traversant toute l’île. C’est une plongée exaltante et, comme le tunnel est assez grand pour accueillir plusieurs personnes, elle est ouverte à tous les plongeurs raisonnablement expérimentés. Partant de la grande ouverture située à seulement 5 mètres de profondeur, vous arrivez dans une grande chambre emprisonnant une poche d’air à son sommet. Sortez la tête et vous découvrirez une grotte au plafond élevé, abritant de nombreux oiseaux et chauves-souris qui ne peuvent y accéder qu’à marée basse. Si vous ôtez votre masque et votre détendeur, ne soyez pas surpris de respirer une odeur puissamment ammoniaquée !

Au départ de la célèbre plongée Cavern de l'île de Gato. © Henley Spiers et Jade Hoksbergen

Au départ de la célèbre plongée Cavern de l’île de Gato. © Henley Spiers et Jade Hoksbergen

De retour sous l’eau, vous trouverez sans doute un vieux bout de corde qui fait office de jardin suspendu pour les coraux mous et les bivalves. Quant aux bernard-l’ermite, ils se disperseront dans vos faisceaux de lumière. Une large lumière bleue au bout du tunnel ? C’est l’ouverture de sortie, située à 12 mètres de profondeur. Les requins pointes blanches de récifs (Carcharhinus albimarginatus) sont des résidents de l’île et cet endroit est leur lieu de patrouille préféré.

De surplombs en tombants

Hormis ce tunnel caractéristique, la topographie sous-marine reste époustouflante, avec d’énormes rochers éparpillés sous l’eau et de petites traversées à explorer. Dans les grottes et surplombs peu profonds de l’île elle-même, la surface vitreuse des poches d’air lui donne un peu l’apparence d’un fond de glacier. Ici, les serpents marins pullulent et utilisent ces poches pour prendre une goulée d’air avant de continuer leur chasse sous-marine.

Un serpent marin en chasse sur le récif © Henley Spiers et Jade Hoksbergen

Un serpent marin en chasse sur le récif © Henley Spiers et Jade Hoksbergen

Le long du côté sud-ouest de Gato, il y a une autre belle plongée à effectuer, dérivante celle-là grâce aux forts courants qui traversent l’endroit. La vie prospère et chaque paroi rocheuse est couverte de coraux mous frémissant dans le courant. Leurs nuances de rose, rouge et orange complètent à merveille le bleu de l’eau, ce qui procure un intense plaisir aux photographes sous-marins. Parfois, on a la chance de tomber sur une squille, cachée dans un bouquet coloré de coraux mous, ses yeux pédonculés exerçant une surveillance attentive sur 360 degrés.

Le Doña Marilyn est une épave qui grouille de vie. © Henley Spiers et Jade Hoksbergen

Le Doña Marilyn est une épave qui grouille de vie. © Henley Spiers et Jade Hoksbergen

Comme sur de nombreux sites autour de Malapascua, il existe une population florissante de céphalopodes et la rencontre d’une seiche est presque garantie. Grâce à ses capacités de mimétisme, la seiche peut adapter la texture et la couleur de sa peau en dilatant ou en contractant ses chromatophores. La touche finale de ce camouflage consiste à déployer ses tentacules de manière à imiter les formes de tout ce qui l’environne.

Dune cathédrale à un pic sous-marin

Sur la côte ouest de Gato, en son milieu, se trouve une crique nommée Cathédrale, ainsi nommée, d’une part pour sa taille impressionnante, d’autre part à cause du marquage ressemblant à la Vierge Marie, situé sur la paroi rocheuse verticale. Tout près de là, sous l’eau, une véritable statue de la Vierge Marie a été sciemment placée afin de décourager les pratiques de pêche destructrices. Faire un palier dans cet environnement impressionnant qu’est le spot de Cathédrale permet aussi de faire la rencontre de bancs de sardines et de platax juvéniles.

Des statues de la Vierge Marie sont placées sur plusieurs sites afin de décourager les pratiques de pêche destructrices. © Henley Spiers et Jade Hoksbergen

Des statues de la Vierge Marie sont placées sur plusieurs sites afin de décourager les pratiques de pêche destructrices. © Henley Spiers et Jade Hoksbergen

En dialecte local, Bogtong Bato signifie “le seul rocher”. C’est un pic sous-marin, situé juste à l’extrémité nord de Malapascua. Le sec est relativement petit et peut être soumis à de forts courants. Il est donc primordial d’y descendre rapidement si on ne veut pas risquer de louper le site. Une fois le sec atteint, un festival de couleurs et une fête de la vie macro sont au rendez-vous. Chaque pouce du pic rocheux est recouvert de corail, principalement des coraux mous, créant une tapisserie de roses, violets et orange de toute beauté.

Ballon griffoné (Arothron mappa). © Henley Spiers et Jade Hoksbergen

Ballon griffoné (Arothron mappa). © Henley Spiers et Jade Hoksbergen

Au sable à 30 mètres, quelques gorgones où il est possible de repérer, avec l’aide d’un guide local expérimenté, des hippocampes pygmées (Hippocampus bargibanti). Cette appellation leur vient du scientifique George Bargibant qui les a accidentellement découverts en 1969. Ces hippocampes miniatures mesurent à peine 2 cm de haut et parviennent à paraître mignons, malgré leur ventre distendu et un corps qui semble couvert de verrues rougeâtres.

Des touristes indispensables à la protection des requins

Les requins-renards ont transformé l’île isolée de Malapascua en une destination incontournable pour les touristes plongeurs. De leur côté, les habitants de l’île tiennent aussi à préserver ces requins. Monad Shoal fait l’objet de directives strictes pour les plongeurs en visite, lesquelles offrent des garanties de préservation pour les requins. La photographie au flash étant interdite à Monad Shoal, ceci rend évidemment les choses très difficiles en profondeur et dans la pénombre de l’aube, pour les photographes sous-marins. Cependant, en tant que touriste conscient de son propre impact et responsable, il est essentiel de respecter les directives locales. Habituellement, les subventions obtenues par le parc marin couvrent les frais occasionnés pour rémunérer une équipe de surveillance quotidienne, visant à protéger le site des activités illégales.

Banc de poissons-chats rayés. © Henley Spiers et Jade Hoksbergen

Banc de poissons-chats rayés. © Henley Spiers et Jade Hoksbergen

Cependant, avec l’activité touristique décimée par la crise sanitaire liée à la Covid, les fonds prévus pour ces gardes marins écologiques se sont épuisés et la population de Malapascua a même beaucoup de mal à ne serait-ce que se nourrir correctement. Il n’existe, en dehors du tourisme, aucune perspective réelle d’emplois alternatifs et la situation génère énormément de difficultés pour cette communauté. Plus tôt les plongeurs pourront revenir sur ce site, mieux ce sera pour les habitants du lieu. Et les premiers touristes à revenir sur Malapascua auront pour avantage, sorte de luxe passager, de rencontrer très peu de plongeurs sous l’eau. Mes amis, présents sur l’île en ce moment, me rapportent que les requins-renards sont toujours là, en abondance !

Henley Spiers

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