Dans notre imaginaire collectif, Sainte-Hélène ressemble à une terre battue par les vents, lieu d’exil, aride, perdu au milieu de nulle part. Il n’en est rien. Certes, la petite île volcanique est bien isolée dans l’Atlantique Sud, à près de 2000 kilomètres de la terre la plus proche, mais elle foisonne de vie !
Lorsqu’Alexandra Childs et Rémi Demarthon, rentrés de tournage depuis quelques semaines, répondent à nos questions, leur émerveillement reste intact. Elle est biologiste, lui est réalisateur de documentaires animaliers et naturaliste, et tous les deux sont apnéistes et plongeurs. Lorsque l’idée d’un film consacré à l’île basaltique prend forme, ils imaginent le consacrer initialement aux requins-baleines. Alexandra, lors d’un long séjour aux Maldives, a travaillé pour le Maldives Whale Shark Research Programme et on lui a parlé de cette île perdue où se concentre une importante population. Mais, très vite, lors d’un premier repérage, ils comprennent à quel point limiter Sainte-Hélène aux géants serait réducteur : sa richesse est non seulement sous l’eau mais aussi sur terre, et dans le combat de tous ses habitants pour la préserver. Après plusieurs mois de recherche et d’écriture, ils se lancent dans l’aventure et débarquent sur l’île pour réaliser Sainte-Hélène, bastion de la biodiversité, un documentaire nature de 52 minutes. L’île, même si elle n’a pas encore livré tous ses secrets, abriterait quelque 500 espèces endémiques et dépasserait ainsi les îles Galápagos en terme de biodiversité par hectare.
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Jusqu’en 2017, le seul moyen de rallier la petite terre consistait à embarquer sur le bateau qui quittait l’Afrique du Sud, toutes les six semaines, pour la ravitailler. Il fallait compter six jours de mer ! Mais depuis, un petit aéroport a été construit et deux vols hebdomadaires, en haute saison, partent de Cape Town et de Johannesbourg. La donne est en train de changer. Et, protéger ce joyau, si le tourisme s’y développe dans les années à venir, devient encore plus important. De fait, depuis quelques années, les quelque 4 500 habitants du petit protectorat britannique, très attachés à leur patrimoine naturel, se mobilisent pour protéger leur île, avec l’appui de leur gouvernement. En 2016, une AMP est créée, incluant la zone des 200 milles marins autour de l’île, venant renforcer l’interdiction de la pêche pour les bateaux étrangers instaurée depuis près de 40 ans. Seule la pêche artisanale à la ligne, pratiquée par les professionnels locaux, y est autorisée. On imagine donc aisément à quel point une bonne gestion du tourisme sera indispensable.
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Évaluer les ressources marines de l’île
Aujourd’hui, les missions scientifiques se multiplient pour mieux connaître la faune et la flore locales. Et, dans un souci de développement durable, les ressources marines de l’île commencent à être analysées. C’est le cas par exemple des thons jaunes dont on étudie notamment les déplacements. « En marquant certains animaux avec des tags, mais aussi en injectant un antibiotique qui agit comme un biomarqueur au niveau des otolithes, explique Alexandra, on peut récolter de précieuses informations lorsqu’ils sont pêchés, comme leur vitesse de croissance et leur âge ». Les premières études semblent ainsi indiquer que les thons sont relativement sédentaires, ce qui permettra une meilleure gestion des stocks halieutiques. D’autres programmes concernent les langoustes, Palinurus equinatus, ainsi qu’une espèce de cigale, Scyllarides obturus, qui est endémique aux trois îles protectorats anglais de l’Atlantique : Sainte-Hélène, Ascension et Tristan da Cunha. Il s’agira à la fois de déterminer comment les populations se renouvellent et quel est leur périmètre de déplacement. L’idée, encore une fois, est de trouver le bon équilibre entre ressource économique pour les pêcheurs locaux et préservation de la biodiversité. « Blue Belt », un programme du Royaume-Uni en partenariat avec Blue Marine Foundation, quant à lui, cherche à donner une unité aux aires marines protégées des îles anglaises de l’Atlantique Sud.
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Un lieu de reproduction pour les requins-baleines ?
« Les requins-baleines, explique Alexandra, sont massivement présents entre octobre et mars, et l’on ne sait pas exactement pourquoi ils se rassemblent. Mais, c’est en tout cas le seul endroit au monde où il y a autant de mâles que de femelles. On suppose donc qu’ils sont peut-être là pour se reproduire. » D’autant plus que, s’il n’y a pas d’images, deux témoignages d’insulaires font état d’accouplements. « Ici, raconte Alexandra, depuis plusieurs années des regroupements ponctuels sont régulièrement observés par l’équipe marine du Saint Helena National Trust avec, en février 2019, un rassemblement record de 80 individus». Etant génétiquement différents d’autres populations, un catalogue de photo-identification est actuellement en cours d’élaboration. Il compte pour l’instant un peu plus de 277 individus. Un programme est également mené par le Georgia Aquarium d’Atlanta et le Dr Alister Dove, spécialiste de l’espèce, en partenariat avec le St Helena National Trust (SHNT), pour mieux connaître leur comportement. L’an dernier, secondé par Cameron Perry, son doctorant, il a notamment fixé des tags sur 5 individus pour suivre leurs déplacements. Il souhaite aussi pouvoir les équiper de caméras fixées sur la dorsale, en espérant avoir la chance de filmer un accouplement, ce qui serait une première !
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La naissance des poissons-papillons
Autour de l’île, on compte une centaine de sites de plongée répertoriés par les deux centres locaux : des épaves innombrables, des grottes, des tombants… Habités par une faune omniprésente qui, au gré des saisons, réserve quelques belles surprises. La reproduction des poissons-papillons, au mois de février, en est une. « Les juvéniles nouvellement éclos se comptent alors par milliers, raconte Alexandra. Il m’est arrivé de ne plus voir Rémi, pourtant à quelques mètres de moi, tellement ils étaient nombreux ! » Et les grands pélagiques, lorsque les juvéniles sont partout, se précipitent à leur tour. Sérioles, dorades coryphènes, wahoos et diables de mer chiliens (Mobula tarapacana) viennent profiter du festin. « Dans une eau d’un bleu électrique, profond, où la visibilité est généralement comprise entre 25 et 30 mètres, commente Rémi, le coup d’oeil est exceptionnel ! »
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En janvier et en février, il n’est pas rare d’observer les tortues vertes en période de reproduction sous l’eau ou en surface depuis le bateau. Une population de dauphins tachetés pantropicaux, respectée des pêcheurs, a également élu domicile au large de Jamestown, la capitale. Extrêmement joueurs, ils gratifient parfois les bateaux de plongée de sauts spectaculaires. De juin à décembre, même si on les croise rarement en plongée, les baleines à bosse croisent au large. Des requins marteaux solitaires, eux aussi, fréquentent les eaux de l’île et l’on voit fréquemment, depuis le bateau, leurs ailerons affleurer en surface. La vie est foisonnante, omniprésente.
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Des espèces endémiques, en mer et à terre
Chaque année, de nouvelles espèces de poissons sont découvertes sur les récifs qui entourent l’île, dont plus d’une vingtaine sont endémiques, comme le rombou de Sainte-Hélène (Bothus mellissi), le canthigaster à nez pointu de Sainte-Hélène (Canthigaster sanctahelenae) et les fameux poissons-papillons de Sainte-Hélène (Chaetodon sanctahelenae), véritables emblèmes de la faune marine de l’île. Mais il reste sans doute encore beaucoup d’entre elles à identifier et à répertorier.
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Les oiseaux marins, eux aussi, profitant de la quiétude de Sainte-Hélène et de l’immensité océanique à leur portée, sont partout. Des fous, des sternes, également des paille-en-queue et des noddis. Plusieurs études sont actuellement en cours, notamment sur les océanites de Castro qui peuplent l’île. « Il s’agirait d’une sous-espèce, endémique, explique Alexandra, qui se serait différenciée d’autres espèces proches à force d’isolement ». Pour favoriser la reproduction des oiseaux, on va jusqu’à les aider en leur proposant des abris !
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Alexandra et Rémi ont passé six semaines sur place et les images qu’ils ont ramenées témoignent d’une biodiversité encore préservée. « Ce que nous voulons montrer aujourd’hui, avec notre documentaire, concluent-ils, c’est avant tout le travail de conservation extraordinaire qui peut être mené par une toute petite population, sans gros moyens, sur un tout petit territoire. C’est un message d’espoir pour la préservation de notre planète. »
Une île chargée d’histoire
Découverte par les Portugais au début du XVIe siècle, la petite île, relais sur les routes maritimes de l’Atlantique Sud, a suscité, depuis, bien des convoitises ! Les grands empires, attirés notamment par ses ressources en eau douce, se sont longtemps disputé la petite terre. Et l’introduction d’animaux domestiques, inhérente à toute colonisation, comme les chèvres, les chats et les rats, a d’ailleurs conduit à l’extinction de certaines espèces indigènes. Au gré de son histoire, elle a ensuite accueilli bien des hôtes illustres : au lendemain de la défaite de Waterloo, Napoléon 1er y passera les dernières années de sa vie, six ans d’exil pour l’Empereur déchu qui meurt sur l’île en 1821. Elle accueillera également Charles Darwin dans sa quête naturaliste, puis, en 1967, Jacques-Yves Cousteau y fait escale avec la Calypso, lors de l’expédition narrée dans Compagnons de plongée.
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Une forêt tropicale humide
La majeure partie des 122 km² de l’île est couverte de plaines venteuses et plutôt désertiques, bordée de hautes falaises sur lesquelles nichent les oiseaux marins. Mais, au coeur de Sainte-Hélène, les 81 hectares du parc de Diana’s Peak abritent une forêt tropicale humide qui recouvrait autrefois presque toute sa superficie. Souvent noyée dans les nuages, elle culmine à 823 mètres d’altitude, et l’on y compte une multitude d’espèces végétales, parmi lesquelles des fougères endémiques menacées. C’est là aussi que l’on peut découvrir celui qui serait l’isopode le plus rare au monde, le cloporte jaune à épines.
Le pluvier de Sainte-Hélène
Parmi les six espèces terrestres d’oiseaux endémiques qui peuplaient l’île, une seule a survécu : le pluvier de Sainte-Hélène, dont il ne restait, à la fin des années 90, que quelques dizaines d’individus. Mais les efforts des habitants et des autorités ont payé puisque la population est aujourd’hui de 545 adultes ! Chaque année, en janvier, les zones protégées sont surveillées et des comptages effectués par des membres de l’ONG Saint Helena National Trust et par des bénévoles, témoignage de l’engagement sans faille de la communauté insulaire pour la sauvegarde de son patrimoine naturel.
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Pratique
Deux centres de plongée sont actuellement installés sur l’île :
Dive Saint Helena et Sub Tropic Adventures.
Plongées pour tous les niveaux. Du snorkeling est également proposé.
Office du tourisme de Sainte-Hélène.
Température de l’eau : de 19 °C à 25 °C.
Meilleure visibilité : autour de 40 mètres, entre décembre et mai.
L’île est desservie, depuis l’Afrique du Sud, par la compagnie Airlink.
Isabelle Croizeau
Bonjour à tous ! Si vous souhaitez découvrir l’île Sainte-Hélène et ses fonds marins, voici un voyage sur mesure que je vous recommande chaudement. Vous pourrez y découvrir l’histoire, la culture et la faune de l’île, mais aussi pratiquer la plongée et l’apnée pour explorer les profondeurs de l’océan Atlantique. Voici le lien, c’est selon moi un voyage unique ! https://www.sealadventures.fr/itinerary/voyage-apnee-a-sainte-helene/