
Chronique Méditerranéenne – 30-30 ou 100%… La question ne devrait pas se poser !
Si vous suivez l’actualité de la mer et des océans, vous avez forcément été confronté à la polémique autour des aires marines protégées et de leurs insuffisances en matière de préservation de la biodiversité. Le sujet ne laisse personne indifférent, entre les partisans d’une protection renforcée, voire totale, et les acteurs du territoire, qu’ils soient professionnels de la mer ou simples usagers, qui affichent clairement leur position. Il n’est pas si facile de se faire un avis objectif sur le sujet tant les échanges sont parfois clivants. Ils finissent par vous pousser à prendre position pour ou contre un camp, créant ainsi des oppositions qui dépassent le cadre d’un débat constructif.

En Méditerranée, nous disposons de nombreuses AMP aux statuts variés. Leurs objectifs et leur réglementation ne sont pas toujours compréhensibles pour un usager, et parfois même pour un professionnel. On peut regretter cette situation. Mais ces espaces, qui affichent un objectif de protection de la biodiversité tout en visant une compatibilité avec les usages, existent bel et bien. C’est un atout qu’il faut reconnaître, sans pour autant ignorer les difficultés inhérentes à ces zones.

Avec un peu de recul, nous pourrions aussi imaginer une époque où aucun de ces espaces n’existerait. Nous serions alors probablement nombreux à réclamer de toute urgence la création d’aires marines protégées. Protégées. C’est sans doute ce terme qui prête à confusion et qui est mal employé dans le cadre de nos 11 types d’aires marines. Un site Natura 2000 est une aire marine protégée. Dans les faits, il s’agit plutôt d’un secteur avec une ambition de gestion locale visant un équilibre entre les activités humaines et le milieu naturel, et parfois même simplement d’un plan de gestion sans mise en œuvre opérationnelle. L’étang de Thau est également une aire marine protégée, malgré ses activités aquacoles et conchylicoles qui façonnent fortement le paysage écologique de la lagune.

La notion de 30 – 30.
30 % de notre mer et de nos aires marines protégées d’ici 2030. Soit. Mais que faisons-nous des 70 % restants, c’est-à-dire de la majorité de nos eaux marines ?
Nous sommes tous d’accord pour dire que ces 70 % méritent une eau marine de qualité, sans pollution, sans conflit d’usage, avec une biodiversité en équilibre avec nos activités maritimes et de loisirs, et un cadre de vie où les riverains peuvent s’épanouir les pieds dans l’eau, le regard tourné vers le large. Cela paraît normal et légitime. D’ailleurs, c’est bien l’essence même des réglementations européennes, qui ambitionnent une eau marine de qualité et un soutien à l’économie pour toutes les façades maritimes. C’est également ce que reflète la réglementation en faveur de la posidonie, qui s’applique sur l’ensemble de notre littoral, et non uniquement dans les aires marines protégées.

Finalement, les ambitions pour ces zones rejoignent celles que l’on peut avoir pour une aire marine protégée. Dès lors, il convient sans doute de bien réfléchir à la place et au rôle des aires marines. Il ne s’agit pas de faire des aires marines un niveau « normal » ou « banal » de gestion, nous poussant à considérer le reste de notre littoral comme un territoire où l’on peut tolérer une situation dégradée. Il s’agit bien de viser l’excellence partout, et une forme d’excellence renforcée dans les aires marines. Si tel est l’objectif, alors cette forme d’excellence ne peut pas s’appliquer à l’ensemble du territoire ni à toutes les formes d’aires marines protégées. C’est sans doute sur cet aspect-là que le débat doit être ouvert.

Le colloque sur les nouveaux enjeux pour la Méditerranée, organisé par la FMES, a abordé la question des aires marines protégées avec la volonté d’être force de proposition. Ces propositions seront prochainement éditées et présentées à l’UNOC au cours du mois de juin. L’importance des aires marines protégées a été soulignée, tout comme la nécessité de faire évoluer leur typologie nationale, afin que le terme « protégé » renvoie véritablement à une maîtrise totale des pressions, dans un objectif de protection renforcée de la biodiversité marine.
Pierre Boissery