Des plongeurs trouvent un sous-marin de la Seconde Guerre mondiale couleÌ au large de Phuket
Une Ă©quipe de quatre plongeurs techniques passionnĂ©s ont rĂ©ussi aÌ localiser lâĂ©pave qui est probablement celle de lâUSS Grenadier (SS-210), un sous-marin de la marine des Ătats-Unis qui a Ă©tĂ© sabordeÌ il y a plus de 75 ans alors qu’il Ă©tait attaqueÌ et entoureÌ d’avions et de navires japonais, le 21 avril 1943. Ce sous-marin, qui repose par 80 mĂštres de fond, fait partie des 52 de la marine des Ătats-Unis perdus pendant la Seconde Guerre mondiale.
La dĂ©couverte sâest dĂ©roulĂ©e en octobre 2019, aÌ environ 80 miles nautiques au sud de Phuket, en ThaĂŻlande. Lance Horowitz fait partie de l’Ă©quipe de quatre plongeurs techniques passionnĂ©s qui a localiseÌ l’Ă©pave : « Câest le rĂȘve de tout plongeur technique de dĂ©couvrir une Ă©pave chargĂ©e dâhistoire. Nous nous entraĂźnons beaucoup pour ces plongĂ©es difficiles parce que nous aimons explorer et trouver ce qui n’est pas facilement accessible. C’est la premiĂšre fois que nous faisons une telle dĂ©couverte, mais nous recherchons Ă©galement d’autres Ă©paves », a-t-il dĂ©clarĂ©.
LâĂ©quipe est composĂ©e de Jean Luc Rivoire, 50 ans, Ben Reymenants, 47 ans, Lance Horowitz, 36 ans et Benoit Laborie, 42 ans. Originaires de France, de Belgique et de Nouvelle-ZeÌlande, ils sont aujourd’hui baseÌs aÌ Singapour et aÌ Phuket. Ils plongent depuis de nombreuses annĂ©es dans le monde entier sur des sites en eau profonde et des environnements difficiles tels que les grottes de Floride ou d’Asie du Sud-Est.
Les plongeurs attendent que leur dĂ©couverte soit validĂ©e par le United States Naval History and Heritage Command , mais pensent quâil sâagit dâun sous-marin de classe Tambor, la premiĂšre classe de sous-marin de la flotte amĂ©ricaine complĂštement opĂ©rationnelle. Ils ont utilisĂ©Ì leur propre bateau, dont le port dâattache est Singapour, pour cette expĂ©dition au cours de laquelle ils ont localisĂ© lâĂ©pave avec un sonar aÌ balayage latĂ©ral, un appareil qui leur permet de capturer des images des fonds marins depuis leur navire.
« Ben a rassemblĂ© un ensemble de coordonnĂ©es gĂ©ographiques provenant de diverses sources, principalement de pĂȘcheurs locaux qui perdent souvent leurs filets sur ces sites, qui peuvent ĂȘtre des roches naturelles ou des rĂ©cifs artificiels tels que des Ă©paves. Notre bateau est Ă©quipĂ© pour une telle recherche et pendant des jours nous avons patiemment scanneÌ toutes les coordonnĂ©es jusqu’aÌ ce que nous voyions une forme spĂ©ciale sur l’Ă©cran du sondeur ! Nous n’avons pas pu plonger sur le site tout de suite aÌ cause des mauvaises conditions mĂ©tĂ©orologiques et des forts courants. Cela nĂ©cessite une bonne planification. En raison de la faible visibilitĂ© il y a le risque de sâemmĂȘler dans les dĂ©bris de lâĂ©pave ou des filets de pĂȘche, ou celui de ne pas retrouver la ligne de retour au bateau en surface, et de devoir dĂ©river ainsi dans le courant tout en devant encore faire de longs paliers de dĂ©compression. AprĂšs six plongĂ©es sur lâĂ©pave sur une pĂ©riode de six mois, nous sommes dĂ©sormais convaincus aÌ 95 % qu’il s’agit de l’USS Grenadier », a indiquĂ© Lance.
Les plongeurs ont Ă©galement rechercheÌ dans les archives de douze pays impliquĂ©s dans la Seconde Guerre mondiale avec des sous-marins, tels que les Ătats-Unis, le Royaume-Uni, l’Allemagne, le Japon, l’Italie et les Pays- Bas, tous les sous-marins potentiels dĂ©clarĂ©s perdus et jamais retrouvĂ©s dans le dĂ©troit de Malacca. Cela les a conduits aÌ trois sous-marins perdus possibles. La description et les dimensions semblent correspondre parfaitement aÌ l’USS Grenadier.
Pour valider leur découverte, ils ont pris les mesures de diverses parties du sous-marin perdu telles que la tourelle de commandement, les écoutilles et les cabestans. Ces mesures sont identiques aux plans techniques obtenus auprÚs de la United States National Archives and Records Administration.
L’expĂ©dition a nĂ©cessitĂ©Ì la prise en compte des marĂ©es, les forts courants sous-marins et lâutilisation dâĂ©quipements spĂ©ciaux tels que des recycleurs aÌ circuit fermeÌ (CCR), des scooters sous-marins et des mĂ©langes de gaz aÌ base d’hĂ©lium et dâoxygĂšne pour des plongĂ©es de plusieurs heures, avec dĂ©compression.
L’eÌpave repose aÌ la verticale sur un fond sablonneux, aÌ 83 mĂštres de profondeur, partiellement recouverte de filets de pĂȘche. « Nous n’avons pas pu trouver de plaque avec le nom du navire, car la coque extĂ©rieure du sous-marin a Ă©tĂ© Ă©rodĂ©e avec le temps et probablement arrachĂ©e par les filets et les ancres des bateaux de pĂȘche, rendant visible la coque intĂ©rieure, conçue pour rĂ©sister aÌ la pression », a dĂ©clarĂ© Ben Reymenants.
Les plongeurs ont trouveÌ les Ă©coutilles complĂštement ouvertes, ce qui indique que le navire a Ă©tĂ© couleÌ deÌlibeÌreÌment, comme en tĂ©moignent les rĂ©cits historiques des survivants. Ils ont Ă©galement identifiĂ© un composant Ă©lectrique, un rhĂ©ostat. Y figure une inscription, le nom d’une sociĂ©tĂ© basĂ©e aÌ Chicago qui fabrique des piĂšces Ă©lectriques depuis plus de 90 ans, et qui sont utilisĂ©es dans les navires de la marine.
Les plongeurs nâont pas rĂ©vĂ©lĂ© l’emplacement prĂ©cis de l’Ă©pave en raison des nombreux pillages de ferraille qui ont lieu sur les Ă©paves historiques de la rĂ©gion. En outre, ils coopĂšrent avec les agences gouvernementales compĂ©tentes et suivent leurs directives concernant les sites du patrimoine de guerre.
« C’est palpitant, quand on arrive au fond de l’ocĂ©an, au milieu de nulle part et qu’on commence aÌ distinguer la silhouette massive. On pense alors aÌ l’histoire qui s’y rattache et aÌ la chance d’ĂȘtre le premier aÌ approcher le sous-marin, depuis qu’il a coulĂ© il y a plus de 75 ans. C’est une sensation trĂšs forte », a deÌclareÌ Jean-Luc Rivoire.
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L’Ă©quipe prĂ©voit d’autres expĂ©ditions sur l’Ă©pave. « Il reste encore beaucoup aÌ explorer comme les canons, les tubes lance-torpilles et les pĂ©riscopes, nous espĂ©rons l’identifier dĂ©finitivement, apporter une conclusion et honorer le souvenir des hĂ©ros de guerre qui ont servi sur ce navire », a ajouteÌ Ben.
Pour plus dâinformations sur les plongeÌes de lâeÌquipe, visitez leur page Facebook.
Ă propos de l’USS Grenadier (SS-210)
LâUSS Grenadier (SS-210), un sous-marin de classe Tambor de 94 mĂštres de long avec 76 marins aÌ bord, Ă©tait aÌ la poursuite de deux navires ennemis au large de Phuket lorsqu’il a Ă©tĂ© toucheÌ par un avion ennemi le 21 avril 1943. AprĂšs 15 heures de tentatives de rĂ©parations, Ă©chouĂ©s sur le fond marin, aÌ 80 mĂštres de profondeur, ils ont rĂ©ussi aÌ retrouver de la flottabilitĂ©Ì et aÌ remonter aÌ la surface. Cependant, les moteurs Ă©taient trop endommagĂ©s et le navire ne pouvait pas bouger. Les navires ennemis se rapprochant, les marins ont Ă©tĂ© forcĂ©s de saborder le Grenadier pour qu’il ne soit pas saisi par les forces ennemies. Ils ont nageÌ aÌ la surface, ont Ă©tĂ© rĂ©cupĂ©rĂ©s par un navire marchand japonais armeÌ, emmenĂ©s dans une Ă©cole catholique rĂ©quisitionnĂ©e aÌ Penang, en Malaisie, puis dans des camps de prisonniers au Japon. Ils ont endureÌ 28 mois de torture, entraĂźnant la mort de 4 marins.
Dans son livre «Threshold of hell » (1985), Albert Rupp, le plus jeune marin aÌ bord de l’USS Grenadier, ĂągĂ© alors de 16 ans, raconte : « Un corps tordu au fond de l’ocĂ©an, un tas d’Ă©paves bien sĂ»r, un navire que jusqu’aÌ aujourd’hui, son Ă©quipage adore toujours. Vous revivrez, vaisseau fatidique aÌ travers ceux qui ne connaissaient pas la peur. Nous allons mener le combat jusqu’au bout pour notre bien-aimeÌ Grenadier ».