
Immersion volontaire de navires-récifs : Le dossier avance !
L’immersion volontaire de navires en tant que récifs artificiels est un sujet qui nous passionne. Nous avons abordé ce thème dans un précédent numéro de Plongez ! (N°38), et depuis, les évolutions sont encourageantes. Nous avons pris contact avec Julien Belda de la SAS BELDA Consultant, auteur de la première étude juridique et économique sur la question, afin de lever les derniers obstacles. L’espoir est bien au rendez-vous !
Un contexte juridique complexe
L’immersion volontaire de navires se heurte à un cadre juridique complexe. La position de l’État français repose principalement sur une interprétation restrictive de la Convention de Barcelone. Pourtant, des pays signataires comme Chypre, Malte, la Croatie, le Liban et Israël ont déjà expérimenté avec succès l’immersion dépolluée. Julien Belda précise que dans certains de ces pays, l’Europe accorde même des subventions pour ces initiatives, sans que le Comité de la Convention de Barcelone n’ait émis d’objection.

Repenser les navires comme des récifs artificiels
En 2009, un rapport de la PNUE indiquait que les navires représentent les structures les plus adaptées à la création de récifs artificiels. Plutôt que de les considérer comme des épaves abandonnées, il serait judicieux de les voir comme des « récifs artificiels ». En France, l’immersion de récifs artificiels est légale depuis des décennies, à condition qu’elle soit faite à des fins autres que l’élimination, comme l’indique l’article 4, 2. de la Convention de Barcelone.

Julien Belda souligne qu’il s’agit d’une « astuce juridique » qui pourrait faire évoluer la législation sur l’immersion des navires.
La convention interdit le « sabordage de navires pour simple élimination », ce qui signifie qu’il est illégal de couler un navire juste pour réduire les coûts d’élimination. En revanche, un navire-récif, soigneusement dépollué et nettoyé, contribue à l’intérêt général.
Franchir les obstacles politiques
Mais alors, qu’est-ce qui freine ce projet ? Ce n’est plus une question juridique, car le droit international et français ne s’opposent plus à ce type d’opérations. Ce qui bloque, ce sont des choix politiques. Par exemple, l’immersion de l’Augustin Fresnel, en 2003, en Guadeloupe, s’est faite sur la base du droit français sans application de la Convention de Barcelone.

Julien Belda déclare qu’il reste à surmonter des préjugés pour que l’État considère favorablement l’opportunité d’immersion. Des études d’impact, évaluations environnementales et enquêtes publiques viendront ensuite pour analyser les impacts écologiques et économiques, tout en prenant en compte la sécurité et d’autres facteurs.
Les bénéfices de l’immersion
Les bénéfices d’une telle immersion sont multiples, notamment :
- Environnementaux : Création d’îlots de biodiversité, avec jusqu’à 340% de vie supplémentaire. Les navires en fer boostent également le développement planctonique, essentiel à la chaîne alimentaire.
- Économiques : Des exemples comme le Zenobia à Chypre, qui génère 25 millions d’euros par an pour l’économie locale, illustrent bien ce potentiel. À titre de comparaison, le porte-avions Oriskany aux États-Unis rapporte plus de 90 millions de dollars annuellement.
- Culturels : Remplacer les épaves vieillissantes, souvent sources de vie, est essentiel pour préserver notre héritage maritime. Ces récifs peuvent devenir des sites de plongée attrayants.

Une stratégie nationale pour l’avenir
À La Ciotat, un projet d’immersion est en cours d’étude, avec la collaboration de la municipalité et de la prud’hommie de pêche. Un courrier a été adressé à la DDTM ainsi qu’au Secrétariat général de la mer, et les porteurs du projet attendent actuellement une réponse. Julien Belda conclut que pour faire avancer les choses, une stratégie nationale d’immersion raisonnée de navires dépollués et sécurisés s’impose, dans un souci d’intérêt général.

Pour aller plus loin
Pour approfondir le sujet, vous pouvez consulter l’étude de Julien Belda, disponible sur Belda Consultant : « Aspects juridiques de l’immersion des navires dans le but de favoriser l’économie bleue du littoral, la restauration écologique et la création de nouveaux spots de plongée en Méditerranée ».
Avis d’expert
Témoignage – Nicolas Barraqué, photographe et directeur de publication du magazine Plongez !
« Une première expérimentation avec un navire-récif de petite taille dans une zone adaptée pourrait permettre d’évaluer l’efficacité économique et écologique de cet aménagement. Le récif ludique d’Agde, en béton, a un coût d’immersion élevé, alors qu’un navire-récif pourrait être plus rentable, tant sur le plan financier qu’écologique. »

L’immersion volontaire de navires en tant que récifs artificiels représente une immense opportunité pour la préservation de notre espace maritime et le développement durable. Les plongeurs et acteurs du milieu marin devraient se mobiliser pour encourager cette pratique bénéfique pour la biodiversité et l’économie locale.
Cet article, initialement écrit par Isabelle Croizeau pour notre édition papier, a été adapté pour le web.
image d’ouverture © Dominique barray