Le Recensement Marin : 20 Ans d’Observation Subaquatique !

Depuis deux décennies, chaque mois de septembre est dédié au recensement de trois espèces marines d’importance : mérous, corbs et grandes nacres. Ces opérations se déroulent dans les calanques et autour des îles de Marseille. Vingt ans après le lancement de cette initiative, faisons le bilan des changements observés.

Un Bilan Positif pour les Mérous et Corbs

« Lors de la première édition, se souvient Sandrine Sauge-Merle, chargée de mission pour le CODEP 13* et sa commission environnement et biologie subaquatiques, nous avions observé un seul mérou et aucun corb ! » Cette année, grâce à la participation de 175 plongeurs sur 22 sites, les chiffres témoignent d’une évolution notable. Entre les îles de Riou, Plane, Jarre, Maïre, mais aussi Planier, et les calanques de Sormiou et Morgiou, on dénombre 591 mérous et 127 corbs. « Après 20 ans, nous disposons d’une référence temporelle solide et d’une connaissance précise des sites », ajoute l’organisatrice.

Essor des Populations : Les Effets des Mesures de Protection

Depuis 2013, la France a mis en place un moratoire protégeant le mérou brun (Epinephelus marginatus) tous les 10 ans et le corb (Sciaena umbra) tous les 5 ans, interdisant leur chasse sous-marine. Ces mesures, comme ailleurs, semblent porter leurs fruits. Les mérous sont désormais largement présents, avec un gain de 140 individus par rapport au recensement précédent. La population de corbs, quant à elle, reste stable, atteignant peut-être un seuil, car similaire au recensement de 2021 (l’édition 2022 fut annulée en raison du mauvais temps).

« Il est crucial de poursuivre ces recensements, insiste Sandrine Sauge-Merle, afin de démontrer l’efficacité des mesures de protection. » De plus, les observations montrent que les corbs, autrefois limités à quelques sites, se dispersent désormais dans toute la zone. « Contrairement aux affirmations de certains opposants au moratoire, ils ne supplantent pas d’autres espèces. La biodiversité reste essentielle », souligne-t-elle.

La Grande Nacre : Un Constat Désolant

Malheureusement, aucune grande nacre (Pinna nobilis) n’a été recensée. Malgré une légère augmentation il y a quelques années, l’épizootie qui a affecté cette espèce semble avoir anéanti cet espoir. « Nous n’en avons trouvé aucune cette année, déplore l’organisatrice. En revanche, nous avons observé des Pinna rudis. »

Cette espèce, plus petite et trapue, avec des épines plus prononcées, semble résister au parasite qui a décimé la grande nacre. Ces observations sont importantes afin de déterminer si elle finira par remplacer la grande nacre dans nos paysages sous-marins. Le Pr Nardo Vicente, spécialiste de l’espèce et présent depuis la première édition, était également présent.

L’Importance des Sciences Participatives

« La force des bénévoles, insiste Sandrine Sauge-Merle, c’est leur capacité à se mobiliser en grand nombre simultanément, offrant ainsi aux chercheurs une photographie complète à un instant précis. » Sandrine Ruitton (chercheure à l’Institut Méditerranéen d’Océanologie et membre du Groupe d’Etude du Mérou) a tenu à le rappeler lors de l’opération. Bien que des équipes de biologistes marins réalisent des comptages réguliers dans le Parc national des Calanques, leurs moyens limités les empêchent d’être présents simultanément sur tous les sites, et doivent composer avec les variations environnementales saisonnières.

C’est tout l’intérêt des sciences participatives : offrir aux chercheurs des yeux et du temps supplémentaires. « Tout en respectant scrupuleusement, précise l’organisatrice, les protocoles d’observation établis par les professionnels, en l’occurrence Eric Charbonnel, coordinateur scientifique du Parc marin de la Côte Bleue et membre du GEM. »

*Comité départemental des Bouches-du-Rhône de la FFESSM

Cet article, initialement écrit par Isabelle Croizeau pour l’édition papier de PLONGEZ!, a été adapté pour le web.

Photos © Eric Porché.