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Chronique Méditerranéenne – Les espèces invasives : danger ou opportunité ?

Une peur bien ancrée

S’il existe bien un sujet qui fait peur, c’est celui des espèces invasives. Vous vous souvenez forcément de cette algue verte fluo relâchée de façon involontaire par le musée de Monaco, la Caulerpa taxifolia. Elle devait détruire nos herbiers de Posidonie et même nous rendre malade. Ses toxines allaient se retrouver dans nos poissons et nos crustacés. Aujourd’hui, fort heureusement, plus personne ne parle de cette invasive. Elle semble avoir trouvé un certain équilibre dans les quelques zones où elle demeure. Peut-être qu’un jour elle reprendra sa conquête des fonds marins.

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Poisson-écureuil sombre (Sargocentron vexillarium). © Nicolas Barraqué

Des espèces invasives devenues ressources économiques

Plus récemment, nous sommes passés du vert au bleu, avec un fameux crabe. Il est fameux, car sa chair est succulente, mais aussi parce qu’il cause beaucoup de dégâts dans les filets des pêcheurs. Comme il est très vorace, il attaque et mange tout ce qu’il trouve sous sa pince. Les Tunisiens, qui ont été parmi les premiers à être confrontés à lui, l’ont surnommé « daesh » en raison de son caractère envahissant et dangereux. Puis, un jour, ils l’ont transformé en ressource économique en l’adoptant dans leurs marmites.

Crabe bleu (callinectes sapidus) femelles à marée basse en été. © plongez bios jean claude carton
Crabe bleu (callinectes sapidus) femelles à marée basse en été. © Plongez ! Biosphoto – Jean-Claude Carton

Un alarmisme parfois exagéré

Encore plus récemment, l’été dernier, certains médias ont titré sur le danger que représentaient les barracudas, une espèce invasive de la mer Rouge, pour les baigneurs. Bien évidemment, le barracuda n’attaque aucun baigneur ou plongeur sous-marin. Cela fait bien des années qu’il est installé paisiblement sur nos côtes, au grand plaisir d’ailleurs de certains pêcheurs et de tous ceux qui mettent la tête sous l’eau.

L’impact de la mer Rouge sur la biodiversité méditerranéenne

La mer Rouge est la cause principale de ces invasions. Quand le poisson-lapin arrive, on entend qu’il va lui aussi détruire tous nos herbiers. À ce jour, il ne l’a toujours pas fait et peut-être d’ailleurs qu’il ne le fera jamais. Le poisson-lion va tout dévorer ? Possible. Mais il n’est pas encore présent sur notre côte. Peut-être d’ailleurs qu’il ne s’installera jamais. Le dernier rapport de la convention de Barcelone (QSR 2025) évoque 0,6% d’espèces marines présentent en Méditerranée et en provenance de la mer Rouge. Au regard de ce pourcentage et à ce jour, il est difficile de parler de « grand remplacement ».

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Rascasse volante aussi appelée poisson-lion (Pterois volitans). © Dominique Barray

Peut-être, plus tard, avec du recul et un peu plus de réflexion, nous apprécierons le fait que certaines espèces de mer Rouge se sont réfugiées en Méditerranée en fuyant leur territoire d’origine menacé par les effets du changement climatique. La Méditerranée, n’est-elle pas une terre d’accueil ?

Une nature en perpétuelle évolution

Au-delà de cette question qui relève sans doute plus de la philosophie que de l’écologie, la question de notre perception de ces espèces est posée. Souvent, parfois malheureusement, on ne peut que constater leur présence. Si jamais ces espèces sont nocives, il est déjà trop tard. Il ne nous reste qu’à constater les dégâts. Et parfois, elles deviennent « les nôtres ».

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Poissons-lapins (Siganus luridus). © Nicolas Barraqué


Personne ne crie sur la présence de la girelle paon qui est la cousine tropicale de notre girelle commune ou sur la présence de l’algue brune Asparagopsis armata. L’étang de Thau dont la végétation est constituée à plus de 90% d’espèces étrangère et souvent japonaises est une aire marine protégée. Cela veut dire que nous trouvons un intérêt écologique à un milieu naturel qui abritent très majoritairement des espèces étrangères, non endémiques de notre Méditerranée.

Faut-il repenser la conservation de la nature ?

Finalement, est-ce que cette vision figée que nous avons au travers de la notion de conservation de la nature n’est pas la vision tronquée d’une nature qui évolue et s’adapte tous les jours, avec ou sans notre influence ?
Si nous avons l’obligation morale de ne pas perturber la nature ou, du moins, d’éviter le plus possible de la perturber, nous devons aussi admettre que notre connaissance sur les impacts des espèces invasives reste limitée tout comme notre capacité d’agir.

Pierre Boissery

Lire le rapport de la convention de Barcelone – QSR 2025

Affiche crabe bleu
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